Dr Maurice Stauffacher

Spécialiste FMH en psychatrie et psychothérapie - Formation complémentaire FMH hypnose médicale

 VERS UNE ÉCOLOGIE DE L'ESPRIT 

 VERS UNE ÉCOLOGIE DE L'ESPRIT 

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L’écologie de l’esprit est une notion proposée par l’anthropologue Gregory Bateson pour décrire la culture comme un monde de dépendance réciproque où l’individu conçoit les significations qu’il partage socialement, alors que ces significations devenues collectives offrent à l’individu une compréhension de ses actions.

Plus simplement, l’écologie c’est l’étude des conditions d’existence du vivant. Alors l’écologie de l’esprit serait l’étude des conditions d’existence de l’esprit, de la conscience.

  • En savoir plus

    Que sait-on de la conscience ? À vrai dire pas grand-chose sinon que l’une de ses conditions d’existence se fait dans le partage avec d’autres humains au sein d’une culture, d’une famille.


    Qu’en est-il des psychothérapies, le domaine qui nous occupe ? Si l’on s’en tient à la pensée occidentale et que l’on se limite au 19ème et au 20ème siècle, on constate une oscillation entre l’individuel et le collectif. Si l’on considère les orientations actuelles, et si l’on veut faire simple, les thérapies analytiques visent à instaurer une forme ou une autre de séparation constructive dans un mouvement d’autonomie personnelle, alors que les thérapies systémiques s’occupent du « vivre ensemble » (vivre en couple, vivre en famille…).


    L’opposition entre ces deux écoles n’est qu’apparente. En réalité ce que l’on appelle l’intelligence émotionnelle (pour vivre ensemble) se développe en même temps que la capacité d’être responsable de soi, dans un monde concurrentiel.

Mais revenons au « vivre ensemble ». Ce monde que nous partageons peut-être décrit comme l’espace clos dans lequel s’exercent les appétits humains. Ainsi, nous constatons en nous-même une certaine ambivalence vis-à-vis d’autrui. « L’enfer, c’est les autres » déclarait un héros de Jean-Paul Sartre. Mais nous percevons bien à partir de notre enfance, puis dans notre recherche de liens que nous espérons l’inverse ; que le « paradis soit les autres ». Bien sûr un solide individualisme protège contre la maladie, mais à force de ne pas aimer l’on finit tout de même par tomber malade. Ne pas affronter la difficulté de vivre ensemble, c’est se priver de ressources dans des dimensions insoupçonnées de l’existence.

  • En savoir plus

    Une application de l’écologie de l’esprit au domaine systémique qui nous occupe, c’est de découvrir que les souffrances humaines vont par trois : au moins trois personnes sont impliquées, souvent sur plusieurs générations. Un premier a un problème, un deuxième en souffre, un troisième développe de la maladie.


    Ceci dit, je ne crois pas trop aux solutions collectives dans le domaine de l’esprit. Héraclite disait dans l’un de ses fragments lapidaires qui nous sont parvenus « Un, mieux que beaucoup ». Un changement significatif est initié dans une solution hautement individualisée, les autres s’adaptent dans un processus de coévolution dont nous analyserons les tenants et les aboutissements.


    Que peut-on attendre de l’approche systémique ? Comment construit-on une dispute de couple ou un trouble bipolaire ? Comment fait-on un enfant pour ensuite le regarder grandir ? Comment les rêves parviennent jusqu’à nous ?  

  • Évolution du concept systémique

    De façon quelque peu paradoxale, on pourrait dire que rien ne devrait être plus éloigné de l'esprit de système que la pensée systémique. Ce mouvement humaniste est né de l'anti-psychiatrie dans les années 70, en protestation contre la psychopathologie qui isole la maladie dans le malade et le « malade » du système auquel il appartient ; sa famille, ses connexions amicales, son milieu du travail.

     

    Partant de ce constat, dans les années 70, on a voulu faire des troubles de la communication le principe pathogène à l'origine des troubles mentaux. Il s'en est suivi toute une réflexion sur le « double bind », sur la transmission transgénérationnelle des secrets de famille (la constitution du génogramme est l’héritière de cette période et reste incontournable aujourd’hui). Mais il était difficile de ne pas retomber dans l’accusation et de ne pas désigner le milieu familial, la mère en particulier, comme toxique et schizophrènogène, suivant l'idée ancienne que « l'homme naît bon, c'est la société qui le corrompt ». Pour éviter cela, le thérapeute de famille s'est fait anthropologue, à l'écoute des uns et des autres, se montrant partial selon le point de vue de chacun, dans une partialité dite multidirectionnelle, mais parfois aussi provocateur pour déstabiliser l'homéostasie familiale et soulager ainsi le patient désigné. Comme en politique, dans les familles, les luttes sont âpres, les armes cruelles, par exemple dans « l'effort pour rendre l'autre fou ». On voudra défendre des valeurs étroites, une vision étriquée de la réalité qui aurait fait ses preuves, défendre une identité individuelle ou familiale menacée, maintenir un pouvoir et des privilèges bien dérisoires, se protéger d’un désespoir existentiel, l'insoutenable légèreté de l'être. L'on aura tôt fait de blâmer, de considérer l'autre comme pervers et le thérapeute n'échappe pas à la tentation de l'objectivation des conduites destructrices.


    Mesurant le temps qu'il a fallu pour prendre en compte l'affectivité, les émotions, comme moteur de la communication, c'est du côté de la pratique de l'hypnose que s’est constituée un modèle plus souple. La notion d'écologie de l'esprit nous vient de la rencontre féconde il y a 50 ans, d’un trio constitué par Gregory Baetson, fondateur de l'école de Palo Alto, sa collaboration avec Milton Erickson père de la nouvelle hypnose, sans oublier l'anthropologue célèbre Margaret Mead, la compagne de Beatson.


    Dans son développement, la pensée systémique s’est rapprochée progressivement d’une téléologie du vivant dans laquelle le but de la vie dépasse l’existence individuelle et devient la propagation de toutes formes de vie, dans tous ses essais, échecs et progressions.


    C’est ainsi que je voudrais définir l’écologie de l’esprit comme une forme de téléologie du vivant dans laquelle l’on étudie, non seulement, les conditions matérielles d’existence, mais aussi celles de l’esprit. Ceci inclurait le développement récent et exponentiel de l’intelligence artificielle.


    Il n’est pas étonnant que la vie sur terre nous apparaisse aujourd’hui comme un vaste programme de simulation sur plusieurs milliards d’années, suivant en cela le directeur de la NASA, dans une interview récente. « La vida es sueño» disait-il en écho avec le titre d’une fameuse pièce de théâtre écrite au XVIIIe siècle par Cameron. Le rêve de l’univers rejoint le rêve de nos nuits, les aborigènes d’Australie l’avaient bien compris à leur façon. Dans un cas comme dans l’autre, la sécurisation d’un processus de simulation dépend de sauvegardes momentanées. L’ensemble donne tout son sens à l’expérience individuelle, à la mémoire, à l’identité personnelle et collective limitée dans

    le temps, ponctuée par la mort successive des individus, la succession des générations ; donc la nécessité de transmettre et de faire évoluer ce que nous avons hérité. Le psychothérapeute y trouve là sa place, sinon sa mission. C’est ainsi que le paradigme du rêve est entré, à mon sens, dans l’évolution du concept d’écologie de l’esprit. La vie onirique contient en elle deux dimensions importantes, à savoir l’isolement de soi, mais aussi la communication et la participation au monde. Il appartient à ce vaste processus multimédia d’essais et d’erreurs qui faisait dire au philosophe Héraclite : « Le rêveur vit dans son propre monde, alors que l’éveillé vit dans un monde commun, mais même celui qui rêve est ouvrier et collaborateur de tout ce qui se fait dans le monde ».


    Mais, revenons à l’hypothèse constructiviste. Selon cette dernière, nous construisons ensemble le monde dans lequel nous vivons. Mais en même temps, le monde que nous construisons « se construit de se construire lui-même », évolue. Il n’est donc pas étonnant que les concepts constructivistes de la pensée systémique soient tirés des sciences de la nature comme la physique, la chimie, la biologie, sans compter des concepts plus abstraits tirés de la cybernétique et des mathématiques fractales. Dans cette écologie quelque peu biologisante, on retrouve l’homéostasie comme garante de continuité, même dans la souffrance, l’auto-organisation des systèmes vivants, et récemment développée, la notion de coévolution qui permet la transmission des nouveautés dans un monde concurrentiel.  

  • Deux histoires illustrant les paradoxes de la coévolution…

    Ce dernier concept de coévolution requiert tout notre intérêt : deux histoires nous permettent de mieux comprendre les enjeux. La première nous est racontée par Michel Pastouraux dans son dernier livre « Le Rouge : une couleur dangereuse ? ». Il y a plus de 20 millions d’années, les primates sont passés de la vie nocturne au chatoiement de la vie diurne. Une mutation génétique est intervenue dans la vision, le rouge est devenu une couleur perceptible, tout d’abord chez les femelles (la vision de la couleur rouge est le fruit de deux mutations successives, la première se situe sur le chromosome X). Les femelles voyant cette couleur, se sont mises à sélectionner les mâles les plus attrayants. La couleur rouge est une couleur très sexuelle et attirante chez les singes, à l’instar des parades colorées des mâles dans beaucoup d'espèces pour séduire les femelles. Se met alors en place la coévolution entre les mammifères, les insectes et les plantes. Les singes vont repérer les fruits, qui sont plus rouges, plus colorés. Donc ils vont les manger. En distribuant avec leurs fèces les noyaux, ils vont favoriser la diversification. Ce changement de comportements n'aurait pas été possible, sans l'expansion des plantes à fleurs et à fruits. Grâce à cette mutation, la biodiversité a été multipliée par 10 dans les écosystèmes. La première fonction sociale de la couleur, c'est de classer, de hiérarchiser. Et nous sommes heureux de voir que, chez les singes, il en va comme chez les humains. La propagation d’une idée nouvelle dans une famille, dans un groupe social est un défi dont la réussite multiplie par 10 la diversité des points de vue.


    La deuxième histoire a des consonances plus cruelles et s’appelle « l’hypothèse de la reine rouge », elle est tirée d’Alice au pays des merveilles. Alice et la Reine Rouge se mettent à courir. Mais ce qu'il y avait de plus curieux, c'est que les arbres et tous les objets qui les entouraient ne changeaient jamais de place : elles avaient beau aller vite, jamais elles ne passaient devant rien « Je me demande si les choses se déplacent en même temps que nous ? » pensait la pauvre Alice, tout intriguée. Et la Reine semblait deviner ses pensées, car elle criait : « Plus vite ! Ne parle pas ! » Alice regardait autour d'elle d'un air stupéfait. La reine lui explique « Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut, pour rester au même endroit. »


    Avec ces deux histoires, l’écologie nous livre une image ambivalente du destin humain, d’un côté nous rêvons de progrès, de développement, de biodiversité, de l’autre côté, si le rêve se réalise, il nous faudra peut-être courir plus vite si l’on veut garder sa place, avec risque de burnout, si l’on ne trouve pas de sources de satisfaction suffisante.


    Chaque développement implique le risque de se faire distancer. Se faire licencier est une crainte qui envahit également la sphère intime. Nous le constatons dans la sexualité et la vie de couple… Et cela pose un grand problème dans les thérapies conjugales, si l’un des conjoints devient moins attrayant pour l’autre. C’est aussi le risque des démarches que l’on qualifie de développement personnel. Beaucoup de psychanalyses aboutissent au divorce.


    Une écologie de l’esprit ne saurait se passer d’une réflexion économique. Une étude qualitative des conditions d’existence ne saurait se passer d’une étude quantitative, même si ce que l’on appelle l’énergie psychique reste un concept empirique et mal défini. Entrer en contact avec l’énergie universelle représente l’un des créneaux de la génération « New Age » auxquels nous appartenons spirituellement.


    Plus prosaïquement, le monde qui nous entoure est saturé d’énergies érotiques (source de plaisir), symbiotiques (source de liens) et mimétiques et concurrentielles (source d’agressivité). Ces trois types d’énergies sont étroitement liés et fonctionnent comme une forme de trinité laïque. Bien entendu, chacun est partie prenante de ces énergies, chacun y répond ou résiste selon son style. Le thérapeute n’y échappe pas. Nous éprouvons intérieurement cet appel « instinctif », sous la forme d’une pression constante facilement convertible en angoisse, dans ce que les psychanalystes appellent la libido ou plus simplement désir. Eros est donc un Dieu dont il serait illusoire de se passer, mais ce n’est pas, tant s’en faut, un Dieu bienveillant. Mais que serait notre vie, sans cette participation aux aléas de l’amour ? Une heure arrêtée au cadran de la montre ? Une suite d’adaptations fastidieuses ? Une liste de commissions ? Généralement, les responsabilités collectives sont trop lourdes à porter sans la distraction, sans l’oubli qu’offre la sexualité. Mais celle-ci ne se limite pas à la distraction et à l’oubli. « Éros enseigne et fait de nous des citoyens cultivés » peut-on lire sur une stèle de la Grèce antique.


    Ainsi, faute de désir, nombre de ces thérapies de couple ne sont que des préalables à la séparation. Mais ce n’est pas une fatalité, comme nous allons le voir. Il existe des séparations constructives et ce n’est pas toujours celles auxquelles on pense.  

  • La conscience humaine

    Une troisième histoire nous introduit plus profondément à l’écologie de l’esprit et au mystère de la conscience comme donnée immédiate de notre existence et que nulle description ne nous permet de mieux comprendre.


    Il s’agit du paradis bouddhiste. Les âmes en partance font la queue devant l’administration pour être réincarnées. Une administration comme chez nous, un fonctionnaire devant un écran hypersophistiqué, le dernier cri du « god engineering». Devant vous, trois hommes, le fonctionnaire s’adresse au premier « toi, tu seras une tortue, exécution ! ». Le deuxième, « on a besoin de serpents, tu seras un serpent ». Le troisième « Ah ! J’oubliais les mygales, vingt mille mygales aujourd’hui ! » Et c’est votre tour et vous attendez anxieusement. « On a besoin aussi d’êtres humains, oui, toi, tu seras homme ! Alors vous vous dites « Wow! It’s great ! Un être humain, la Rolls des consciences ! Je vais pouvoir percevoir toute chose jusqu’aux limites de l’univers, je vais pouvoir écouter de la musique, vivre la musique, inventer, percevoir les autres comme je me perçois moi-même, aimer, devenir créateur d’un univers familial qui intègre les souffrances et les rêves des générations précédentes, rêver d’un papillon, être ce papillon, devenir thérapeute de famille… » .

  • Les thérapies du futur

    À l’orée du XXIe siècle, il serait prudent d’envisager les formes que prendra la psychothérapie, se tourner vers l’avenir d’interventions et d’interprétations futures. Pour renforcer cette perspective, il faudra se préparer à prendre en charge le plus grand nombre possible de dimensions existentielles, qui sont, d’ailleurs, en même temps celles des patients et les nôtres, à nous, psychothérapeutes.


    Cela implique un double mouvement, tout d’abord d’éloignement, une écologie de l’esprit prendra ses distances vis-à-vis des grands bateaux de la psychologie moderne, et un mouvement de rapprochement créatif, un mouvement vers une pratique ouverte à d’autres dimensions.


    Les grandes épidémies actuelles sont des prêts-à-penser :


    L’Evidence based medicine. Beatson s’est d’emblée montré critique vis-à-vis de l’émergence de ce mode de penser la médecine.

    La psychologie des facultés. Beaucoup de psychothérapeutes n’ont pas encore pris connaissance de l’œuvre d’Emmanuel Kant : en particulier de la critique de la raison pure et de la critique de la raison pratique. On continue à distinguer la volonté de l’intelligence, les fonctions cognitives de l’émotion et de l’affectivité. On voudra étudier les circuits cérébraux de la personnalité dans la plus pure tradition de la phrénologie de Gall (début du XIXe siècle).

    Grandir comme dimension programmatique de l’existence. Ne devrions-nous pas plutôt constater que nous avons grandi, d’en prendre conscience dans toutes les dimensions de l’existence. Parmi celles-ci, il nous faudra bien retrouver l’enfant qui est en nous. Un spectacle charmant qui ne doit pas nous faire oublier que l’aspiration de tous les enfants est justement de grandir.


    La séparation du masculin et du féminin. Elle pose plus de problèmes qu'elle n’en résout, en particulier s’il s’agit de devenir un « vrai homme » ou une « vraie femme ». Une sexualité épanouie vise à jouir de la dimension de l’autre en soi et de soi dans l’autre.

    Pas de sexualité entre les générations. On entend « Il a épousé sa mère ». « Elle a épousé son père ». C’est donner dans le prétendu tabou de l’inceste qui confond l’interdit et l’inadéquation. Doit-on pour autant condamner toute intimité au sein de la famille, toutes manifestations sexuelles des parents devant les enfants ? Il faudra donc se méfier de toute construction psychothérapeutique qui prétend à une vérité générale et édicte des normes, et se souvenir que l’écologie de l’esprit est éloignée de tout esprit de système. Mais il est bien difficile d’échapper aux normes comme thérapeute, il faut bien le dire. Que répondre à une épouse qui dénonce son mari comme manipulateur, comme pervers narcissique ? Quelles seraient ces dimensions de l’existence à prendre en compte ? À vrai dire, elles ne sont pas éloignées, elles sont coextensives de ce que nous vivons tous les jours ? Ces dimensions peuvent aller par paires d’opposés, en voici quelques-unes : Polarité observateur - participant, polarité émotion - sensation, polarité excitation - inhibition, polarité objectivité - subjectivité, polarité mémoire et oubli sans oublier le silence comme donnée fondamentale. Le silence de l’univers, le silence de la nuit. C’est l’articulation des silences qui donne qualité à la musique, de même en thérapie. Les silences peuvent être lourds, on peut les rendre légers et créatifs d’émotions.  

  • Quelques outils personnels

     Si l’on considère la primauté du monde affectif dans nos relations avec le monde et notre entourage, nous pouvons nous poser la question : est-ce que ce sont les événements qui nous affectent, par exemple la tromperie d’un conjoint, un vécu traumatique qui nous pose en victime ? Ou est-ce que nous tirons parti de ces événements que nous sélectionnons, pour donner corps à des émotions qui viennent de loin ? Dans la vie de couple, tel trouve tous les prétextes pour se mettre en colère, tel se cache les défauts de l’autre pour vivre une expérience amoureuse.


    Concrètement, chaque thérapeute systémique se constitue des outils de pensée, fondés sur des objets concrets, pour aborder les diverses dimensions de l’existence. Mon épouse m’en a suggéré quelques-uns qui ont fait leur preuve et que mes patients apprécient. Je les utilise depuis avec bonheur.


    1. L’effet miroir,

    Prenons un couple…le visage de notre mère… Le visage d’autrui, sa posture est notre premier miroir (cf. les neurones miroirs). Nous nous percevons nous-même dans le visage de notre conjoint, mais aussi de notre thérapeute, de notre patient, comme dans un miroir. Celui qui se met en colère (ou en amour, ou en tristesse) n’est pas nécessairement celui qui éprouve ce sentiment au départ. Nous sommes impliqués dans un regard réciproque bien au-delà de ce que nous voudrions. C’est une maladie moderne, encouragée par nombre de thérapeutes, que de se constituer en observateur, dans un déni de notre implication. « C’est toi! Ecoute chérie, pourquoi te mets-tu en colère ? Tu es très émotionnelle aujourd’hui, cela me fait du mal quand tu parles comme cela… » Une issue peut advenir si je m’implique moi-même comme époux, comme parent, comme thérapeute. Que se passerait-il si nous pouvions nous considérer à l’origine de ce qui se passe émotionnellement dans notre couple, dans la famille, dans la séance ?


    2. Le sac à dos qui est aussi un sac pour le pique-nique, toutes ces bonnes choses que l’on partage quand on vit ensemble. Le conjoint provoque à partir de sa propre histoire, et des souffrances et des rêves de ses parents et de ses aïeux ; à partir de loyautés qui ne le concernent même pas. Combien de nos colères sont-elles vraiment justifiées par la situation actuelle. Nous sommes beaucoup dans la chambre à coucher. Nous venons à la vie de couple avec un sac à dos bien rempli et les bébés et le rêves naissent aussi de ce qui se trouve dans nos sacs à dos.


    3. C’est là qu’intervient la photographie ; la pellicule photographique a besoin d’un révélateur pour qu’apparaisse la trace photographique, tout d’abord en négatif puis, si nous le voulons bien, en positif, c’est ce que nous appelons la photographie. Nos symptômes, nos rêves, nos conjoints et nos enfants sont les révélateurs de dimensions oubliées. Par exemple nous avons tous voulus être de bons enfants ; pouvoir soulager voir guérir les souffrances de nos parents. Nous n’y sommes pas parvenus et c’est un grand malheur. Beaucoup d’entre nous tranportent avec eux un sentiment d’impuissance, d’inutilité (sac à dos). La rencontre d’un conjoint, c’est l’occasion de développer une relation d’égale profondeur, avec l’espoir de nous rattraper. La vie conjugale est le révélateur de ce besoin fondamental. Mais là aussi nous échouons inexorablement et en voulons à notre conjoint, à nos enfants de ne pas pouvoir les rendre plus heureux.


    4. Se souvenir du futur. Mais nous pourrions nous souvenir du futur et nous arranger pour que la photo soit plus belle pour nos enfants que celle que nous avons reçue par nos parents. Apprendre nous-même à nous satisfaire de notre vie.


    5. La maison d’hôte


    L’être humain est comme une maison d’hôtes

    Chaque matin, une nouvelle arrivée


    Une joie, une dépression, une mesquinerie

    Un moment de pleine conscience qui arrive

    Comme un visiteur inattendu



    Accueille-les et reçois-les tous !

    Même s’ils sont une foule de chagrins

    Qui balaye violemment ta maison

    La vide de son mobilier


    Continue à traiter chaque hôte honorablement

    Ils sont peut-être en train de te vider

    Pour faire place à de nouveaux délices


    La pensée sombre, la honte et la malveillance,

    Accueille-les à la porte en souriant

    Et invite-les à rentrer


    Sois reconnaissant pour quiconque arrive,

    Car chacun d’eux a été envoyé

    Comme un guide venant de l’au-delà


    Poème de Jakad-od-in Rûmi XIIème siècle  

  • L'action thérapeutique efficace

    Une action est efficace par la forme même qu’elle se donne. Une action devient efficace par l’émergence de représentations, d’affects et d’attitudes qui prennent en compte d’autres dimensions de l’existence et modifient la forme même des acteurs, de ceux qui interagissent.


    Conformément à notre définition, la mise en scène de la maladie peut représenter une action relativement efficace par le regain d’identité qu’elle offre, non seulement au patient mais aussi à son entourage. Dans la consultation, beaucoup n’en sont pas là et recherchent encore avec nous leur « maladie » pour donner corps à leurs souffrances, avec espoir de guérison. Pour sortir de la maladie, il faudrait juste trouver une réalisation plus adéquate pour comprendre, éprouver et intégrer des dimensions plus larges.




    L’importance d’outils thérapeutiques hautement individualisés: l’inventeur de la souris informatique soulignait auprès de moi l’importance dans son cursus professionnel d’avoir fait un apprentissage d’horloger ; il avait appris à élaborer ses propres outils. L’invention d’une nouvelle montre passe par l’invention d’outils hautement individualisés pour la fabriquer.

    L'importancedu cadre: il s’agirait tout d’abord d’offrir à nos patients un cadre confortable. Sans un changement de cadre, l’instant présent pourrait bien apparaitre comme le moment maximum des tensions contradictoires vécues dans l’inconfort et ceci est d’autant plus vrai dans la séance avec un couple ou une famille. Se vider l’esprit paraitrait illusoire. Le « lâcher prise » part d’une idée juste, énoncée par le philosophe Wittgenstein « Rien ne sert de s’acharner. Quand un problème parait insoluble, partez à la recherche d’un lieu de confort, installez-vous confortablement et la solution défilera d’elle-même devant vos yeux ».

    C’est le patient qui fait la thérapie: un changement significatif est initié dans une solution imprévue (efficacité imprévisible de la subjectivité) donc hautement individualisée, les autres s’adaptent dans un processus de coévolution.

    Saisir l’occasion. Les événements et accidents de l’existence introduisent de nouvelles dimensions. Mais il ne faut pas se cacher la réalité, nous ne saurons jamais, dans le temps d’une vie, dans le temps d’une thérapie, si le risque du changement aura été payant. Souvent les événements et accidents de l’existence en décident, nous pouvons nous sentir mystérieusement aidés, si nous restons ouverts à cette aide. La spiritualité y trouve son compte, sinon son explication.

    Valorisation des processus de simulation, de mise en scène, dans lesquels les patients s’impliquent: Ainsi le rêve, l’hypnose, le psychodrame…La « sculpture » d’une situation inextricable représente déjà une réponse thérapeutique qui rend le changement possible. Nous thérapeutes, nous pouvons y inviter nos patients, chacun selon son style, chacun selon ses limites. Même les plus audacieux d’entre-nous avons appris à nous offrir en miroir, à mimer, à donner corps à différentes transformations, à la façon d’un chaman qui mime la nature, le vent, les animaux, le galop des chevaux et part en voyage dans les différentes dimensions de l’existence, pour libérer l’âme captive et qui donne à voir les péripéties de ce voyage.

    Mais il faut bien le dire, il y va en thérapie comme de la vie des peuples, nous devons accepter de longues périodes de stagnation et même de régression dans ce nous nous sommes convenu d’appeler le travail du négatif. Comme thérapeute, nous faisons alors l’expérience de la patience dans le rôle plus modeste de soutien, en se souvenant d’Hippocrate « L’art est long, la vie est brève et l’occasion fugace ».

  • Conclusion

    C’est ainsi que nous n’aurons plus à nous acharner sur un symptôme. Nous chercherons même paradoxalement à en augmenter l’intensité, car le symptôme a une fonction, comme nous l’avons appris en côtoyant les rêves de nos patients, en pratiquant l’hypnose, en recevant des familles et des couples. Plutôt que de chercher le but hypothétique de guérir, nous nous orienterons activement vers l’attente d’une réponse thérapeutique ; un élément révélateur qui puisse tous nous surprendre pour tirer parti de la richesse et de la force du « vivre ensemble ». À l’inverse, la répétition des conflits use et donne à chacun une mauvaise image de lui-même, des autres et de l’existence.



    Avec la notion d’écologie de l’esprit nous nous proposons donc d’étudier les conditions d’existence, plus particulièrement de la vie psychique dans ses implications individuelles, familiales et collectives.  

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