Dr Maurice Stauffacher

Spécialiste FMH en psychatrie et psychothérapie - Formation complémentaire FMH hypnose médicale

ONIROLOGIE MÉDICALE 

ONIROLOGIE MÉDICALE 

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  • monde du rêve

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L’onirologie, à bien la définir, c’est la science des rêves.

Dans le cadre de la médecine, l’onirologie médicale étudie les potentialités thérapeutiques du sommeil et des rêves ainsi que les différentes interventions que le médecin peut mettre en œuvre pour tirer parti de ses potentialités.

Soulignons tout d’abord que la science des rêves devrait être inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité. Sur le plan anthropologique il n’y a pas de culture ni de religion, qui n’ait développé sa propre approche, sa propre interprétation des phénomènes oniriques. Dans l’Antiquité méditerranéenne nous voyons qu’il y avait des interprètes de songes, distincts des astrologues, ce qui montre déjà un certain développement de l’onirologie en science autonome. Au XIXe siècle, l’onirologie est fortement marquée de spiritisme, par exemple Maurice Maeterlinck se réfère explicitement à la "télépsychie", au magnétisme, à la "communion des Esprits", et manifeste donc la croyance de son auteur en un au-delà. Il faut attendre l’année 1900 pour que la science des rêves entre dans le domaine laïc et médical, avec la publication de l’œuvre maîtresse de Sigmund Freud « l’interprétation des rêves ». Le rêve y apparaît comme un langage à déchiffrer, voire un texte sacré tout imprégné des symboles de l’inconscient.

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    Au cours du vingtième siècle, les découvertes objectives de la neurophysiologie du sommeil ont contribué à banaliser le rêve, en faire un épiphénomène du sommeil, dénué de signification. Mais on peut se poser la question de savoir si nos sociétés libérales ne sont pas, dès lors, devenues insomniaques. Dormir un nombre fixe d'heures est devenue une priorité pour pouvoir récupérer les énergies dévolues au travail et aux loisirs standardisés. Il en résulte que l'homme qui dort disparaît au profit de l’homme éveillé. Il en résulte que tout endormissement paraît correspondre au respect d'un besoin biologique inaliénable, à la rigueur dépourvue d'une forme ou d’une autre de plaisir. En ce début du XXIe siècle, on assiste à un regain d’intérêt pour les potentialités thérapeutiques de l’onirologie avec les travaux de Hartmann, de Tobie Nathan et ici en Suisse romande, ceux de Georges Abraham avec qui nous avons eu le plaisir de collaborer et de fonder la SSOM, la société suisse d’onirologie médicale.


    Le monde relationnel du rêve

    En ce début de XXIe siècle, il serait prudent d’envisager les formes que prendra la psychothérapie et de se tourner vers l’avenir. Pour renforcer cette perspective, il faudra se préparer à prendre en charge le plus grand nombre possible de dimensions existentielles, qui sont d’ailleurs en même temps celles du patient et les nôtres, à nous, psychothérapeutes. Ne pas se contenter d’un travail d’historien et d’exégèse des textes fondateurs, devenir en quelque sorte prophètes. Le domaine de l’interprétation des rêves se prête particulièrement bien à cette démarche prospective, car l’onirologie, la science des rêves, appartient à la fois à l’intimité à soi-même dans le sommeil et au destin commun, à l’anthropologie. Chaque culture ou religion prend en compte l’activité onirique et développe des abords thérapeutiques (des psychotechniques) pour faire face aux aléas du destin et aux maladies. Ne devrait-on pas ajouter le rêve au patrimoine immatériel de l’humanité ?

Le philosophe Wittgenstein déclarait « ce qui est sous mes yeux, je ne le vois pas ». Les paupières closes, cela est d’autant plus vrai pour le monde des rêves. Celui-ci n’appartient pas au monde des spéculations. Il n’obéit pas aux modèles issus de l’imagination des psychologues ni aux réductions objectivantes de la médecine. C’est une pratique humaine ordinaire qui existe partout et toujours, une donnée de la vie personnelle et peut-être sociale, infiniment complexe et parfaitement observable, mais non-objectivable. Ce n’est pas comme ça que l’entendent les faiseurs de systèmes, leur objectif n’est pas de nous engager à nous servir de nos yeux, de nos oreilles, mais de nous inciter à nous méfier des illusions du théâtre du monde et parallèlement du théâtre des rêves. Paradoxalement, la fascination des coulisses a la vie dure dans nos sociétés issues du « désenchantement du monde », le tout posant la question de l’identité personnelle, de la subjectivité. Par exemple, suis-je le même quand je dors et quand je suis éveillé ?

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    Il faut quand même bien remarquer que notre conception du rêve est encore très tributaire du XIXe siècle et des hypothèses répressives qui viennent barrer toute réflexion de fond sur les transformations contemporaines des normes et des mœurs en matière sexuelle. La censure du rêve serait donc beaucoup moins active que l’on avait envisagé (à part quelques patients obsessionnels chez qui l’on peut l’observer directement).


    Ainsi, beaucoup de choses ont échappé à la majorité des approches de ces dernières années. Un grand clivage oppose les thèses neurobiologiques déterministes, portées à nier la capacité personnelle à créer du sens à l’occasion de nos rêves et les modèles issus de la psychologie individuelle analytique. Pour cette dernière, le rêve appartient en propre au rêveur, mais l’interprétation ne peut se faire que conformément à un modèle herméneutique préétabli, par exemple l’existence du rêve comme « voie royale vers l’Inconscient » dont le thérapeute détiendrait le maître-mot.


    Dans le cadre de la Société Suisse d’Onirologie Médicale et à l’occasion de nos séances d’intervision avec le professeur Gorges Abraham, nous avons appris à développer une forme « d’aperception psychologique » l’art de la distance qui permet d’apercevoir, dans un travail de groupe, la multiplicité des points de vue. Il s’agissait de pouvoir repérer les émotions qui circulent à l’occasion du récit du rêve rapporté par un collègue et dire en même temps le rêve, le rêveur dans sa subjectivité et le psychothérapeute qui écoute, qui pense et qui interprète.



    Par rapport aux hypothèses freudiennes, il fallait nous méfier de la surinterprétation consistant à considérer le rêve seulement sous l’angle d’une manifestation du sexuel, ce qui amène en retour à négliger la réalité onirique. Se poser la question « Comment se fait-il que la sexualité soit devenue, dans notre culture postchrétienne, le seul sismographe de notre subjectivité ? » Nous gagnerions plutôt à considérer en parallèle l’excitation sexuelle et le rêve (et non dans un simple rapport de cause à effet). Ces deux manifestations de notre subjectivité impliquent la personnification : avec comme conséquence, que la personnalité y trouve son origine sinon son originalité, en croisant l’isolement de soi et le devenir autre.


    Il nous fallait retrouver un avenir pour les manifestations oniriques, et c’est finalement à cette tâche prospective que nous invite le rêve, tourné vers l’avenir d’une compréhension ultérieure, vers l’évocation des lendemains. Le rêve s’avérerait beaucoup moins conservateur et beaucoup plus créatif que ne l’avaient envisagé les premiers psychanalystes. C’est aussi à l’accomplissement de cette tâche que nous convoquons nos patients ; ils se voudraient historiens de leurs traumatismes, de leur enfance, nous les invitons à envisager leur participation à un avenir. Lors de la narration de leurs rêves, plutôt que de leur demander à quoi ça leur fait penser, nous préférons souvent poser la question « et qu’est-ce que cela annonce pour l’avenir, qu’est-ce que vous pouvez changer » ? Il ne s’agit pas de renouer avec une vieille tradition symbolique méditerranéenne à l’origine des nombreuses clés des songes. Encore que pour ce faire, il faudrait bien comprendre les mécanismes à l’œuvre dans l’adhésion que provoqua l’oniromancie dans les sociétés antiques.


    Le rêve nous introduit à la fois à la dimension d’une intimité avec soi-même inégalable et à la dimension impersonnelle des significations communes ; il existe une double boucle de production du rêve, l’une relevant de l’intimité à soi-même, l’autre plongeant dans le monde relationnel et social. Si l’on accepte l’hypothèse que le rêve a une fonction, nous pouvons comprendre que chaque fois que nous rêvons, nous rejoignions les hommes des cavernes dans ce qu’ils pouvaient vivre dans leur sommeil. Les images changent, mais la fonction émotionnelle demeure.


    C’est ainsi qu’il faudrait aborder le corps dans le rêve. Le rêve transforme la relation du rêveur avec son corps. Fait à l’image de Dieu ? S’il fallait résumer d’un mot la conception occidentale du corps individuel, on dirait qu’il est à l’image de son principe constitutif, unique et animé par une seule âme, avec laquelle elle fait corps. Le vécu onirique pourrait bien interroger cette évidence, car nous pouvons nous apercevoir que l’homme qui dort, l’« homo nocturnus » n’est pas tout à fait le même que celui qui est réveillé, l’« homo diurnus ». Tchouang-Tseu dans son Zhuangzi, chapitre II, « Discours sur l’identité des choses », évoque son fameux rêve du papillon et se demande si sa réalité ontologique se situe du côté du papillon qui vole ou du philosophe réveillé qui s’interroge.


    Notre approche du rêve renoue à sa façon avec un passé lointain, animique et chamanique. Dans le cadre des tensions et des conflits qui nous habitent et leur côté auto-destructeur et potentiellement suicidaire, le rêve provoque un éclatement en différents corps, animés de personnalités et de potentialités différentes. Poursuivis, nous sommes aussi le poursuiveur de nos rêves d’angoisse, construits pièce par pièce par nous-mêmes. Cela pose l’une des questions les plus intéressantes pour le futur, le côté arbitraire qui consiste à distinguer le « moi » du « non-moi ». Par le rêve, nous apprenons à devenir autre et pluriel. Le rêve fait varier conjointement l’isolement de soi et le « devenir autre ». Les familiers de la psychopathologie feront le parallèle avec les possessions hystériques qui ne sont que le côté productif de l’autre versant que sont les paralysies hystériques, vraisemblablement de même nature que celle éprouvée dans le rêve.


    Si l’on veut interpréter de façon interactive et relationnelle, il ne faut pas envisager le rêve comme un récit, voire un texte sacré, à la première personne, ayant la dimension d’un discours. Pour ce qui nous concerne, nous psychothérapeutes, il s’agit d’accueillir en nous le rêve de nos patients, prêter notre corps au rêve si l’on veut. Ce qui consiste, non seulement, en une immersion, mais une appropriation, une incarnation momentanée pour en ressentir les modifications possibles. Il s’agit de suivre les choses pour elles-mêmes, de suivre leur destin dans l’un des futurs possibles et non plus nécessairement, comme le propose la psychanalyse, de suivre la chaîne des substitutions, des associations de pensées qui remontent à une prétendue origine, avec tous les déplacements et condensations que cela comporte.


    Par exemple, nous n’allons pas nous arrêter à considérer tel élément du rêve comme une traduction symbolique, par exemple d’un désir homosexuel ou hétérosexuel, ou comme la traduction de pulsions sadiques ou masochistes. Car chaque rêve nous introduit à sa propre cosmologie dans laquelle le masculin et le féminin (l’activité et la passivité, le plaisir et la douleur, l’excitation et l’inhibition, etc.) se croisent et se définissent l’un par rapport à l’autre, dans une relation en devenir dont il s’agit de connaître sinon le fin mot, du moins l’issue. On y retrouve une forme nécessaire d’expression des sentiments jusque dans l’obscénité qu’il ne faudrait pas voir simplement dans une polarité du permis et de l’interdit.


    De façon générale, il s’agirait aussi de pouvoir mettre à distance les trois questions modernes du savoir psychologique moderne :


    - Le devenir adulte, ce besoin compulsif de maturation, de devenir « grand ».


    - Développer la masculinité pour l’homme, la féminité pour la femme, pour accéder à un bien-être personnel et social. La fascination actuelle pour les études de genre a finalement peu d’impact.


    - Pas de sexualité entre générations, invoquant le tabou de l’inceste version magazine et son extension à la relation thérapeutique. À ce sujet, l’on confond trop facilement l’inadéquat et l’interdit.


    C’est ainsi que dans la dramaturgie du rêve, il faudra traiter chaque image comme l’élément d’une relation, plutôt que comme un terme intangible voire sacralisé qui confirmerait un savoir préétabli.


    Nous voulons interroger les éléments réciproques du rêve, les relations émotionnelles qui les ont produites ou développées. Nous voyons que l’enjeu de l’activité onirique est avant tout contextuel : affronter des phases critiques de la vie humaine, dangereuses pour l’individu autant que pour l’entourage, dans le cadre des responsabilités de chacun. Soulignant le temps qu’il a fallu pour mettre à distance toute une série de modèles basés sur le symbolisme (symbolisme sexuel de Freud, archétypes de Jung, etc.) pour en venir enfin à privilégier une description que l’on pourrait considérer comme synoptique, qui suppose d’être sensible à la dramaturgie actuelle du rêve comme forme particulière de l’action efficace. Par cela, nous entendons ce qui s’accomplit par la forme que l’on se donne, ouvrir l’espace d’une subjectivité non-prédictive, accéder à une imagination active. Générer l’ambiguïté où se génère et se transforme toute relation, transmission ou apprentissage. Mais peu de commentateurs parviennent à ce point pour nous le faire comprendre, sans ôter à l’action du rêve son utilité et sa dignité. À un certain moment, il faut savoir ne pas s’acharner à chercher des coulisses à ce qui n’en a pas, un fondement ultime à ce qui n’en a pas. Sur le plan des émotions, on retrouve souvent cette alliance fascinante de l’ironie et de la nostalgie ce qui n’exclut pas l’obscénité. Renoncer à nous poser face à l’architecte de toute vie, mais donner vie à des significations qui acquièrent une valeur non seulement intellectuelle, mais intensément affective.


    Maurice STAUFFACHER

Le point de départ de l’onirologie médicale tient dans cette constatation, dans cette hypothèse, que le rêve a une fonction, non seulement, dans l’étroite dépendance avec le sommeil qui l’abrite, mais aussi comme messager à l’attention de « l’homme éveillé » qui s’en souvient et qui en communique le contenu à son conjoint, à un ami, à sa famille et finalement aussi à son médecin qui devrait avoir une formation suffisante pour recevoir le message, en tant qu’interprète d’un genre particulier, à définir selon différentes hypothèses.

C’est ici que se situe notre deuxième hypothèse, à savoir que le rêve donne une image des tensions, des émotions, des conflits qui nous agitent, voire des tendances autodestructrices et suicidaires en termes de maladies qui, si l’on y prend garde, peuvent se développer.

Notre troisième hypothèse tient dans le potentiel thérapeutique imprévisible de la subjectivité. Cette hypothèse est partiellement une nouveauté en médecine. Nous la retrouvons à l’œuvre dans l’hypnose médicale. Dans la médecine moderne fondée sur la preuve, l’efficacité recherchée est celle de l’objectivité ; à savoir que les résultats thérapeutiques sont prévisibles et reproductibles. Le monde de la subjectivité, quant à lui, est saturé de motions hautement individualisées, dont l’issue ne peut pas être prévue assurément en termes de maladie et donc les résultats thérapeutiques reproduits à grande échelle. Nous constatons simplement que bien souvent nos patients guérissent en faisant appel activement à leur subjectivité, en se plongeant avec nous dans une forme d’intersubjectivité partagée.

Notre quatrième hypothèse de travail tient à l’existence, à la possibilité de développer conjointement avec le patient, une subjectivité active, un peu à l’image de l’imagination active découverte par Carl Gustav Jung. Force est de constater que la subjectivité, comme le rêve présente l’inconvénient d’être perçu comme un ensemble de phénomènes vécus dans la passivité. Par l’intermédiaire de différentes techniques, nous pouvons aider nos patients à prendre conscience que le « rêveur en eux » construit des rêves, on peut dire pièce par pièce, dans une perspective devenant alors auto-thérapeutique. Comment le patient peut-il faire l‘expérience de sa propre implication, dans l’élaboration du rêve, devient la question cruciale du médecin onirologue. 

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